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Bêta-thalassémie : une première de thérapie génique à confirmer
Actualité du don de sang et de la transfusion
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Bêta-thalassémie : thérapie génique

Un homme atteint de bêta-thalassémie a été traité avec succès par thérapie génique grâce à la collaboration de plusieurs équipes, dont celle de Philippe Leboulch, responsable scientifique de l'essai clinique et chef de l'Institut des maladies émergentes et des thérapies innovantes (iMETI, CEA, INSERM, Université Paris-Sud), à Fontenay-aux-Roses, et celle de Marina Cavazzana-Calvo et Salima Hacein-Bey-Abina, du département de biothérapies de l'Hôpital Necker-Enfants malades (INSERM, AP-HP), à Paris. Cependant, l'insertion du vecteur porteur du gène thérapeutique a modifié, sans dommage apparent, l'expression d'un gène contrôlant la multiplication des cellules ; cela suggère que la sécurité de l'intervention n'est pas complètement assurée.

La bêta-thalassémie est une maladie génétique apparaissant dans l'enfance. Elle est due à la mutation du gène codant la chaîne bêta de l'hémoglobine, la protéine des globules rouges du sang qui transporte l'oxygène dans l'organisme (la molécule comprend deux chaînes de type alpha et deux de type bêta). C'est l'une des maladies génétiques et héréditaires les plus fréquentes parmi les populations méditerranéennes et asiatiques ; dans certains pays, jusqu'à six pour cent des nouveau-nés sont atteints. En France, on compterait au total 350 à 400 malades.

Lorsque la production d'hémoglobine normale est quasi nulle en raison de l'altération des deux exemplaires du gène bêta (la copie provenant du père et celle provenant de la mère), l'enfant atteint est fortement anémié (il ne produit presque plus de globules rouges fonctionnels), ressent une fatigue chronique, est plus sensible aux infections, grandit plus lentement et les os de son visage peuvent se déformer.

On prévient ces dommages en transfusant le malade une fois par mois à l'hôpital. Cependant, ce traitement entraîne une accumulation de fer dans l'organisme (l'hémoglobine transfusée apporte du fer). Avec le temps, cet élément métallique provoque des atteintes cardiaques et hépatiques ainsi que des perturbations hormonales. Un fixateur de fer (chélateur) doit être administré pour prévenir ces complications, mais il a des effets indésirables. Une solution plus définitive est la greffe allogénique de cellules souches de moelle osseuse ; mais elle n'est pas non plus idéale, car le greffon, prélevé chez un donneur, peut être rejeté par le système immunitaire du patient, ou inversement réagir contre l'organisme.

La thérapie génique peut représenter une alternative. Ph. Leboulch et ses collègues ont d'abord montré, chez la souris, que des cellules souches de la moelle osseuse, dites hématopoïétiques, prélevées sur l'animal lui-même puis transformées génétiquement in vitro et réinjectées (greffe autologue), assurent une production suffisante d'hémoglobine. Le vecteur de gène correcteur utilisé dérive d'un lentivirus, le VIH, et porte le gène codant la chaîne bêta de la globine. Cette construction est a priori plus sûre que les vecteurs rétroviraux précédents, dont l'utilisation pour traiter des enfants atteints de déficits immunitaires rares (SCID, ou DICS) avait provoqué quatre cas de leucémie par suite de l'activation, par des séquences propres à ces vecteurs, de gènes impliqués dans le développement cancéreux, des oncogènes.

En 2007, un essai clinique de phase I/II a commencé sur un jeune homme de 18 ans atteint d'une forme grave de bêta-thalassémie. Des cellules de sa moelle osseuse ont été prélevées dans le service d'hématologie dirigé par Eliane Gluckman à l'Hôpital Saint-Louis, à Paris, puis traitées ex vivo au Département de biothérapies de l'Hôpital Necker par un vecteur lentiviral dérivé du VIH, porteur du gène correcteur (ce vecteur est produit aux États-Unis). Une forte chimiothérapie a détruit la plupart des cellules souches hématopoïétiques demeurant dans la moelle osseuse. Puis on a injecté au patient les cellules souches génétiquement modifiées.

Quelque 30 mois plus tard, plus de 10 pour cent des cellules souches de la moelle contenaient le gène correcteur, dont trois pour cent des érythroblastes, la lignée cellulaire donnant naissance aux globules rouges. La concentration globale d'hémoglobine avait atteint neuf grammes par décilitre, la valeur que permettent d'obtenir les transfusions. Le patient n'a plus besoin de traitement.

Toutefois, le séquençage de l'ADN montre que, dans la moitié des cellules modifiées, le vecteur viral s'est inséré dans le gène qui code la protéine HMGA2, connue pour participer à la régulation de la prolifération et de la différenciation cellulaires. Seize mois après la greffe, l'expression de ce gène, normalement nulle, avait augmenté de 10 000 fois. Cette insertion a sans doute favorisé l'efficacité de la thérapie en augmentant la multiplication des érythroblastes, remarque Salima Hacein-Bey-Abina.

Reste qu'il est pour l'heure impossible d'établir un pronostic sur le long terme. L'essai clinique devrait se poursuivre chez trois autres malades en 2011, à l'Hôpital Necker. Compte tenu du risque d'intégration malencontreuse du vecteur, il faudra traiter des dizaines de patients pour que l'on puisse évaluer précisément le rapport bénéfices/risques de cette intervention thérapeutique.